Pour ses cocktails et réunions, Borloo fait licencier 50 personnes

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Au sommet de la Grande Arche, 50 salariés vont sans doute perdre leur emploi, plus de 2 millions d'euros sont gaspillés et les musées de l'informatique et du jeu vidéo sont en passe d'être expulsés... Sombre chronique de la mauvaise gestion d'un ministère.

Le toit de la Grande Arche, où sont installés depuis trois ans le musée de l'informatique et plus récemment celui du jeu vidéo, accueille chaque année 250 000 visiteurs, Français et étrangers, simples curieux ou groupes scolaires intéressés par la transmission du patrimoine scientifique.

"Recouvrer l'usage de ces locaux pour ses besoins propres"

Prenant le prétexte d'une panne d'ascenseurs depuis réparée, les services du ministère du Développement durable ont contraint, il y a quatre mois, le site à la fermeture. La Grande Arche n'est plus ouverte au public ! Alors qu'il s'agit du principal monument des Hauts-de-Seine.

Pourquoi ? Officiellement, le ministère du Développement durable explique dans un courrier opportunément rédigé au milieu de l'été qu'il "entend recouvrer l'usage de ces locaux pour ses besoins propres". Le ministère du Développement durable a t-il besoin de plusieurs milliers de mètres carrés au sommet de la Grande Arche ? Ou plus exactement : pour quoi faire ?

"Transformer le site en bureaux", tente d'expliquer la porte-parole du ministère. C'est sans doute ce que l'on appelle des "économies", car la transformation de tout le toit de la Grande Arche en bureaux coûterait, selon l'estimation de deux architectes, jusqu'à 17 millions d'euros !

Le ministère lorgne plutôt sur ces espaces d'expositions (de parfois 6,5 mètres de hauteur sous plafond) pour organiser les réunions, congrès et cocktails du ministre.

2 325 000 euros gaspillés pour des réunions et des cocktails


Les ascenseurs pour monter au toit de la Grande Arche (GrandeArche.com)Des réunions et des cocktails, quoi de plus habituel dans un ministère ? Certes, mais quand la récupération de ces lieux entraîne la fermeture de deux musées et le licenciement de 50 personnes, on doit s'interroger sur l'utilité de l'opération.

Car depuis 2007, le toit de la Grande Arche abrite le seul musée de l'informatique en France, et vient d'ouvrir (avec le soutien d'une subvention du ministère de la Culture) un musée du jeu vidéo. Environ 200 classes découvraient chaque année avec leurs professeurs l'histoire des ordinateurs, d'Internet...

Lieu de préservation et de transmission de la culture scientifique, ce musée de l'informatique unique en son genre est géré par une association à but non lucratif, piloté par des passionnés, historiens, chercheurs soucieux de transmettre cette histoire moderne.

En expulsant le musée de l'informatique et en fermant la Grande Arche au public, le ministère gaspille les deniers publics. Ce gaspillage coûtera plus de 2 millions d'euros à l'économie française rien que pour la première année.

L'exploitation du toit de la Grande Arche et donc du musée de l'informatique était en effet équilibrée. Cette activité contribuait même de manière importante aux recettes fiscales :

 - 400 000 euros de TVA collectée par an
 - 15 000 euros de taxe professionnelle
 - 450 000 euros de charges sociales

Auxquels il faut ajouter 360 000 euros versés par la collectivité aux salariés actuellement mis en chômage technique par le ministère. Et si l'on tient compte de la masse salariale de 1,1 million d'euros perdue pour l'économie française sur une année de non-activité, le total de 2 325 000 euros est atteint.

2 325 000 euros gaspillés pour organiser les conférences et cocktails du ministère...

Borloo, Mitterrand, NKM, Fillon... chacun baisse la tête

Face à cette décision qualifiée de "technocratique" par Patrick Devedjian, président du conseil général des Hauts-de-Seine, le gouvernement est aux abonnés absents, chacun baissant la tête pour espérer être épargné par le scandale.

Jean-Louis Borloo, qui ne s'est pas exprimé sur le sujet, soutient ses hauts fonctionnaires, tout en se ménageant une porte de sortie. Mais c'est aussi le cas de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, que l'on aurait pu penser concerné par la fermeture de deux musées, ou encore Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat en charge de l'Economie numérique, interpellée plusieurs fois sur ce dossier.

Même François Fillon, qui a pourtant clairement indiqué dans un courrier que ces deux ministres étaient en charge du dossier, ne semble plus avoir aujourd'hui l'autorité nécessaire pour les inciter à traiter le sujet.

A l'exception notable de Jacques Kossowski, député-maire de Courbevoie, qui a clairement affirmé son soutien au musée de l'informatique, les dirigeants des Hauts-de-Seine et de la Défense semblent bien embarrassés.

Le préfet, la présidente de l'Epad (devenu Epadesa cet été), Joëlle Ceccaldi-Raynaud, également députée-maire de Puteaux, le président du conseil général… tout ce beau monde se désintéresse du sort des 50 salariés et des 2 millions d'euros gaspillés.


Photos : la Grande Arche (GrandeArche.com) ; les ascenseurs pour monter au toit de la Grande Arche (GrandeArche.com) ; les locaux du toit de la Grande Arche que le ministère veut récupérer (DR)

Ajout : le 11/10/2010. Nous avons reçu cette réponse du ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la mer

A la suite de diverses allégations concernant le toit de la Grande Arche de la Défense relayées ces derniers jours dans quelques media, le ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la mer tient à apporter les précisions suivantes :

1 - Le Ministère souhaite mettre fin à une situation juridique et financière précaire
L'Etat est propriétaire, par l'intermédiaire du ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer (MEEDDM), d'une partie de la grande Arche de la Défense, dont le toit de l'Arche. La création du MEEDDM, né de la fusion des ministères de l'Equipement, de l'Ecologie, de l'Energie-Industrie et du Logement, a conduit logiquement à regrouper l'ensemble de ses services, soit 5000 agents, sur le site de la Défense. Les services du ministère ont donc quitté leurs installations parisiennes (avenue de Ségur, rue du Chevaleret), dans un souci de rationalisation de la dépense publique. A cette occasion, le ministère a décidé de mettre fin à une situation de fait d'exploitation des espaces du toit de l'Arche par une société privée, la STGA (la société de gestion du Toit de la grande Arche). En effet, cette société n'a jamais, ni assuré le financement des charges dues au regard de la copropriété de l'Arche, ni versé de contrepartie financière à son occupation de ces lieux et à celle de ses partenaires commerciaux dont le Musée de l'informatique. Le ministère précise qu'il n'est lié par aucun engagement au maintien des occupants actuels dans les lieux.

Par ailleurs, le 4 avril 2010 une poulie a été arrachée au passage d'une des cabines d'ascenseur desservant le toit et a été retrouvée au pied de la Grande Arche, après une chute de 75 mètres. Cet incident grave a contraint le ministère à suspendre immédiatement l'utilisation de ces ascenseurs pour des raisons de sécurité évidentes.

Le ministère a immédiatement engagé un audit pour connaître les causes de cet incident intervenu alors qu'il a entrepris en 2008 des travaux importants de rénovation (remplacement et inspection systématique) pour un montant de 850 000 €.

Ayant établi le constat que l'occupation du toit ne pouvait se prolonger dans les conditions actuelles, le Ministère a tenté d'engager dès le mois d'avril une concertation avec la société STGA afin d'étudier avec elle les modalités de fin d'activité qui permettraient de préserver au mieux la totalité des intérêts humains et financiers.

Il est à noter qu'en dépit de demandes répétées de l'Etat, la STGA n'y a donné suite que tout récemment, ce qui n'est pas de nature à contribuer à la préservation de ces intérêts.

2 - Le Ministère promeut une gestion du toit de la grande Arche plus conforme au site et à ses missions
L'exercice des missions du ministère repose sur un travail permanent de concertation avec l'ensemble des acteurs socio-économiques (collectivités locales, entreprises, syndicats, associations, ONG).

Le ministère ne disposant pas actuellement de locaux adaptés pour faire face à ces nouvelles modalités de travail et de concertation avec un nombre très important de participants, il est dans l'obligation de louer des espaces à l'extérieur, occasionnant une dépense très importante.

Le ministère souhaite donc recouvrer l'usage des espaces dont il est propriétaire dans le toit de la Grande Arche pour en avoir une gestion plus adaptée à ses besoins.

En outre, le ministère étudie les nouvelles conditions de gestion du Toit de l'Arche pour y permettre un fonctionnement conforme à la fois aux missions de développement durable du ministère et au caractère symbolique de la Grande Arche.